mercredi 17 novembre 2010

Départs

M. m’a écrit l’autre jour et je n’ai pas tout de suite voulu comprendre ce que son mail me disait. Il parlait du départ de R. et j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre. Et puis évidemment qu’il s’agissait d’un départ à l’étranger. Pas d’un départ vers l’au-delà.
L’idée que R. ne soit pas de ce monde me bouleverse. Pas seulement parce qu’elle me renvoie à mes propres angoisses. Non, sa disparition m’a retournée parce que je relis encore ses mots espérer qu’il s’en sortira. Je réentends S. me dire qu’elle a pris un café avec lui et qu’il est reparti sur de nouvelles bases. La mort de R. me bouleverse parce qu’elle signifie une fois pour toutes qu’on ne peut rien faire contre la maladie et le destin. Ils ont voulu sa peau. Son amour de la vie, son enthousiasme, sa force de caractère n’y ont rien fait. Ils ont peut-être allongé sa vie de quelques mois. Mais au final, son nom est inscrit sur la tombe d’un cimetière parisien. Et ses proches le pleurent.
La pensée de sa copine seule, de ses parents le cherchant ou de ses amis le regrettant me donne la nausée. Pourquoi lui ? Pourquoi lui ? Pourquoi si tôt ? Pourquoi comme ça ?
R., ton départ nous bouleverse et j’ai passé des heures, hier, à chercher dans mes souvenirs et dans mes photos ton visage et tes mots. Peut-être pour oublier que tu n’es plus. Peut-être pour nier ton départ comme les réminiscences d’un cauchemar au réveil.
Et puis j’ai réalisé que tu étais sur cette photo que j’ai affichée il y a des années dans ma chambre d’enfance chez mes parents. Là, avec d’autres, au milieu des autres. Il y a quelques années, quand on était tous encore à égalité. Quand tu étais en bonne santé. Que les gens t’aimaient ou te détestaient. A l’époque où on avait tous la vie devant nous.
En tout cas, c’est promis, tu m’auras donné une bonne leçon. Dans la difficulté, je me souviendrai toujours de ta force de caractère. Et des très belles choses que l’on m’a dites de toi. M. t’aime beaucoup. Et M., tu sais, c’est un mec de confiance.

jeudi 9 septembre 2010

So Far* : début d’année à Paris



Le dessin des immeubles sur le ciel gris est le même qu’il y a un an. Mais aujourd’hui, il me semble encore un peu moins familier qu’il ne l’était en septembre dernier. Je me suis éloignée. J’ai vécu chez moi ailleurs pendant ce temps et Paris, toujours aussi belle, est devenue encore un peu plus étrangère.
J’étais très ambivalente à l’idée de quitter Tel Aviv. Ma sœur rentrerait avec moi pour rester à Paris. Cette fin d’année avait un goût de définitif et ça me foutait le cafard. En même temps, j’attendais ces vacances avec impatience. Retrouver le reste de ma famille. Passer du temps avec G. Déambuler dans les rayons des librairies. Aller au cinéma. Entendre parler français. Mais ce départ avait aussi le goût des grandes décisions. Il me rapprochait du moment où je devrais certainement abandonner Tel Aviv.

Et puis j’ai décidé que ce serait pour plus tard.

Aujourd’hui, nous sommes réunis, mes parents, mon frère et ma sœur, alors que nous ne l’avons pas été depuis un an. Alors l’heure n’est pas à la projection. L’heure est aux traditions.

Hier, en préparant des crumbles et des sablés « parve », j’ai pensé à l’air de fête qui devait régner à Tel Aviv. Aux rues encombrées de charriots plein de commission, aux magasins où se précipitaient ceux qui n’avaient pas encore acheté de cadeaux. J’ai pensé à la chaleur. J’ai pensé au studio fermé pour trois jours. J’ai pensé au fait que tout un pays allait fêter Rosh Hashana. Et puis j’ai pensé que je serai certainement partagée entre Israël et la France encore longtemps. Pourtant on m’avait prévenue. De ne pas étaler ma vie entre deux pays. Ma rencontre avec G. en a ajouté un troisième.

Nous étions dix-neuf à table et ma mère avait disposé une très jolie table. Des petits bols blancs remplis de grains de grenade très rouges. Des blettes. Des figues. Des quartiers de pommes. Des coupelles de miel. Pour que l’année soit douce. Pour que nous soyons en bonne santé. Pour que nous réussissions dans ce que nous entreprendrons. Pour que nous nous mariions. Pour que nous tombions enceinte. Pour que nous prenions les bonnes décisions.

*So far - Habanot nehama. Magnifique.

mercredi 1 septembre 2010

Je voulais* : rentrée de septembre



Avec le mois de septembre :

•    Les enfants repartent sur le chemin de l’école. Le jour de la rentrée, certains sont déjà en retard.
•    Le matin, les embouteillages commencent en bas de la maison parce qu’il y a une école primaire au coin de la rue et deux écoles maternelles avant de rejoindre la rue A.
•    Les mêmes petites filles qui ont grandi pendant l’été traînent derrière elle d’énormes sacs à dos Bratz et les mêmes petits garçons qui auront un peu moins grandi porteront sur leurs petites épaules les lourds cartables Batman.
•    Les mères commencent à préparer les repas de fêtes**
•    Les filles aident leurs mamans en poussant le caddie.
•    Le supermarché à côté du bureau ouvre 48 heures d’affilée.
•    L’effervescence de la rentrée scolaire se distille dans les vacances si proches.
•    La prof de danse tourne encore sa bague de fiançailles autour de son annulaire. Et nous lui souhaitons toutes d’être bientôt maman.
•    B. a quitté le pays et pour discuter avec lui, il faut faire attention au décalage horaire et puis composer l’indicatif approprié, le raccourci du téléphone ne marche plus.
•    Ma petite sœur aussi. Et personne ne nous demandera plus à la caisse si nous sommes jumelles.
•    Plus que quelques jours avant de prendre l’avion. Rentrer à la maison. Pour quelque temps.
•    Ensuite, je reviendrai. Les choses seront différentes
•    L’heure des grandes décisions approchera. Un peu plus avec chaque jour de septembre.

* Ratsiti - jolie chanson de rentrée de Dor Daniel.
** En septembre, ce sera la période des fêtes juives : Rosh Hashana, Kippour, Souccot.

vendredi 20 août 2010

Quand il se met à pleuvoir* : réminiscences chocolatées de week-ends à Londres



Il y a quelques années, ma sœur habitait à Londres. Et moi à Paris. Alors parfois, le vendredi soir, je retrouvais G. Gare du Nord, nous mangions un sandwich dans la seule boulangerie du hall de l’Eurostar et nous partions pour Londres. Nous arrivions tard mais j’étais ravie de retrouver ma petite sœur après le trajet sur la ligne noire.

Les week-ends à Londres étaient toujours très remplis et me donnaient l’impression d’être très loin de Paris. Pourtant, souvent, il faisait mauvais. Et puis l’agitation, le bruit et l’enthousiasme qui se dégageaient de la ville étaient semblables à ceux de ma ville natale. Mais enfin, tout près, c’était déjà ailleurs.

Les week-ends à Londres avaient le goût des Ben’s cookies que nous ramenions ensuite dans leur boîte rouge pour les jours où il faudrait faire le trajet en RER avec un ordinateur sur le dos.

Ben voilà, l’autre jour, j’ai testé la recette des sablés au chocolat de Patoumi et curieusement,en les goûtant, Londres m’est revenue. Délicieux.

Voici la recette, un petit peu modifiée.
Pour une vingtaine de sablés :
110 g de beurre mou
100 g de sucre blond
½ cuillère à café (CC) de sl
1 CC d’extrait de vanille
75 g de chocolat noir fondu
70g de chocolat noir concassé (avec un couteau sur une planche)
120 g de farine
60 g de cacao non sucré
½ CC de levure

Commencer par mélanger le beurre et le sucre pour obtenir un mélanger crémeux puis ajouter le sel, la vanille et le chocolat fondu.
Dans un autre récipient, mélanger la farine, le cacao et la levure – bien mélanger pour qu’il ne reste pas de farine blanche que l’on retrouve sinon telle quelle dans les sablés – puis incorporer ce mélange au premier.
Ajouter ensuite le chocolat concassé et mélanger pour que la pâte soit homogène (pas plus).
Réfrigérer la pâte au minimum 30 minutes.
Pour faire cuire les sablés, préchauffer le four à 180 degrés et disposez sur une plaque de cuisson recouverte d’aluminium des boules de pâte (environ une cuillère à café) que vous aplatirez un peu.
Laisser cuire entre 8 et 9 minutes – j’ai fait plusieurs essais et dans mon four, 10 minutes c’était déjà trop.
Ils sont tous mous quand ils sortent du four, attendre une dizaine de minutes avant de les retirer de la plaque.


* When the rain begins to fall de Jermaine Jackson & Pia Zadora - une chanson qui rend heureux.

mercredi 18 août 2010

Les jours de grand soleil* : inventaire d’été infini



Les jours d’été, j’aime :

• Ne pas avoir à maudire mon réveil parce que bon, le jour est bleu. En France, il y a des endroits où aujourd’hui il fera gris.

• Sourire en réalisant que la mer n’est pas loin

• Jouer avec mes deux petits cousins sur la plage

• Avoir du sable dans les cheveux

• En rire

• Que l’on me prenne pour leur mère quand je leur cours après pour nager avec eux

• Sentir le soleil brûler mes épaules

• Lâcher mes cheveux pour essayer de les couvrir

• Et puis penser « ben tant pis »

• Boire des jus de fruits au goût d’enfance.

• Marcher en sandales et se dire que c’est peut-être ça, finalement, le bonheur

• Regarder le soleil rose se poser sur les vagues sombres

• Me dire que l’été est infini à Tel Aviv parce que dans deux mois, il fera encore chaud.

• Aller au cinéma et frissonner (à cause de l’air conditionné)

• Remettre un pull d’hiver le temps d’un film.

• Le jeter ensuite dans un coin.

• Apprécier la nuit parce que les touristes sont partout et qu’ils me donnent l’impression d’être en vacances.

• M’endormir en short, en travers du lit, une jambe sous la couette et l’autre dessus.

• Et me dire que le lendemain, le jour sera encore plus chaud. Et peut-être même encore plus bleu.

* Beyom shemesh yafe : titre d’une très jolie chanson d’Ivri Lider.

mardi 17 août 2010

Ma vie en l’air* : Célébrations de jeune fille



"(…) l’adolescence, les deux crépuscules mêlés, le commencement d’une femme dans la fin d’un enfant." - Victor Hugo – Les travailleurs de la mer

Je ne me souviens plus très bien où j’ai lu pour la première fois cette citation de Victor Hugo mais c’était il y a plusieurs années et avec le temps, elle m’est restée en tête. Certainement parce qu’elle dit parfaitement ce moment où les jeunes filles changent. Hier, en quittant la bat mitsva de L., je me suis dit que si j’étais tombée il y a des années sur ces mots, c’était pour arriver à ce jour et me dire « voilà, je comprends. »

Hier, nous nous sommes rendus en famille à la bat mitsva ** de L., une petite cousine éloignée. En la voyant, si jolie dans sa robe de princesse orange, je me suis dit qu’on était bien différente L. et moi. Elle a tout juste douze ans mais on lui en donnerait facilement trois ou quatre de plus. Parce qu’elle est grande certainement. Mais surtout parce que son visage rayonne. Et j’avais l’impression que l’on apprenait cela un peu plus tard. A perdre ses complexes, à être heureuse, à danser seule devant un public, à aller saluer les gens que l’on ne connaît pas en leur témoignant de l’intérêt. Oui c’est tout ça qui donne L. des années de plus que son âge véritable.

Nous sommes partis vers cette ville de la banlieue de Tel Aviv en nous disant que nous n’avions pas vraiment le choix. L. étant fraîchement débarquée de France avec ses parents, nous nous devions d’être là, rares représentants d’une famille restée là-bas. Et puis l’endroit était clinquant et mal en point et nous avons commencé à compter les minutes qui nous séparaient du moment où nous passerions la porte en sens inverse.

Et puis la musique s’est mis à résonner entre les murs blancs, sur la projection du diaporama de photos de L. à tous les âges, et l’enthousiasme de la jeune fille s’est révélé communicatif. Elle souriait, elle dansait, elle chantait, elle nous disait « j’ai grandi, je suis une femme maintenant ». Et moi j’ai eu l’impression que malgré mes quinze ans de plus, je n’avais pas acquis son aisance. J’ai peut-être été un peu jalouse.

Les heures ont passé au gré de chansons obsolètes et de tubes des étés précédents mais nous nous sommes bien amusés. Il n’était pas tard quand nous avons quitté la piste de danse mais en repartant, nous nous sommes dit un truc surprenant. A l’ombre des réverbères, nous nous sommes regardés et puis nous nous sommes dit « C’était une excellente soirée*** »

*Titre d’une chanson de l’incroyable Jeanne Cherhal et BO du film éponyme. Le personnage principal du film a du mal à quitter l’adolescence alors…

** Fait référence à la bar mitsva – cérémonie religieuse qui marque pour un garçon, le passage à l’âge adulte. La bat mitsva est l’équivalent pour les filles. Souvent, au-delà de la cérémonie religieuse, on organise aussi une fête pour le nouvel adulte. Pour de plus amples explications

***Expression empruntée à la chanson Kensington Square de Vincent Delerm

dimanche 15 août 2010

Having a good time* : Le café coloré de Monsieur et Mme X.



La première fois, c’est par hasard que je suis arrivée au café « Sonia ». Nous comptions aller au « Petit Prince » qui lui fait face mais aucune table n’était libre et nous avons alors décidé de traverser la rue.

On entre dans le café Sonia par un joli hall tapissé de carrelage noir et blanc. Aux murs, des panneaux à pin’s s’étendent. Ils représentent tout et n’importe quoi (une petite fille dessinant un cœur sur le sol, des couleurs communistes, le logo de Coca-Cola etc.) et on peut les acheter pour une quinzaine de shekels (un peu moins de trois euros).

En passant une porte à l’allure marocaine, on arrive dans l’immense jardin où sont éparpillées des tables rondes à mosaïque et des chaises en plastique coloré. Les dessins imprimés sur le menu donnent un goût sucré aux plats que l’on n’a pas encore goûtés. Les jus rebaptisés « slurpies » ont des consonances de desserts mais ne font cependant pas pâlir les gâteaux (admirable fondant au chocolat, délicieux cheesecake etc.).



Pour se restaurer, il y a un peu de tout (toasts, salades, brunchs, lasagnes) et ce tout a le goût du bonheur. Loin de l’agitation de l’artère King Georg située à seulement quelques mètres, le café Sonia est un endroit charmant.

Certainement autant que l’histoire qui se cache derrière son nom et celui de la ru(elle).

La rue Almonite est la jumelle de la rue Plonite à laquelle elle est collée. Quand les ruelles ont été créées en 1922, elles appartenaient à un même homme, Meir Getzel Shapira. Sa femme, Sonia l’avait quitté mais il décida de donner son nom à l’une des deux rues alors qu’il donnerait à la deuxième son propre nom

Le premier maire de Tel Aviv, Meir Dizengoff ne le voyait pas de cet œil et fit immédiatement changer les noms de ces rues en John et Jane Doe avant même de savoir comment il les rebaptiserait. Pourtant, rapidement, il mourut, laissant à ces deux rues leurs noms d’inconnus. Des noms indémodables. Certainement.

* Extrait de la chanson "Don't stop me now" de Queen

jeudi 12 août 2010

Voir la lumière * : cours de danse pluvieux



Le mercredi, je commence déjà à m’impatienter. J’attends le cours de danse du vendredi. N’allez pas croire que c’est une habitude d'enfant. Je n’avais jamais pris de cours de danse jusqu’à l’année dernière. Mais près de chez moi, j’ai découvert un endroit merveilleux qui m’a convaincue qu’il n’était jamais trop tard pour s’y mettre. Bien sûr, je n’aurais jamais de très jolies pointes ou cette grâce inhérente au mouvement chez les danseuses. Mais j’aurais ces heures où je me perds dans un effort physique langoureux, où le rythme de mon cœur s’accélère quand la prof annonce que l’on va faire des diagonales et ces instants où j’oublie les priorités de la vie réelle pour me concentrer sur le sens d’une musique ou le rythme d’un enchaînement. Je savais que dans ce studio, j’apprendrai à devenir un peu différente. Un peu plus droite. Un peu plus sûre.
Le vendredi n’est pas le seul jour où je me rends au cours de danse mais c’est mon préféré. D’abord parce qu’au moment où j’entre dans le studio, la ville est bruyante et grouille de passants et de voitures alors que quand j’en sors deux heures plus tard, elle est complètement éteinte. Ensuite parce que c’est le début du week-end et que chacun pense à toutes ces choses qu’il fera peut-être et en fait parfois non. Le cours de danse du vendredi donne un sentiment d’infini. On en sortira fatiguées. On en sortira apaisées.

Mais ce que je préfère par-dessus tout, ce sont les fois où il pleut. Je n’aime pas vraiment la pluie, surtout dans cette ville qui n’est pas équipée pour l’évacuer. Pourtant, j’aime ces jours où l’on n’a pas trop envie de sortir mais où l’on se glisse finalement avec un pull à capuche et un jogging dans les rues inondées. J’aime cet instant où comme il ne fait pas froid, on renonce à se plaindre et où l’on essaye d’éviter l’eau pour finalement mettre le pied – et la chaussette – dans une flaque immense. Ensuite, on arrive en boitant un peu devant le studio à l’entrée glissante. Mais les pas sur le sol froid sonnent un peu différemment. Il fait bon être ici.

Le cours débute lentement et on pense encore un peu à ses chaussettes mouillées mais le week-end est là et on est bien à l’intérieur devant ces miroirs qui reflètent les corps en rythme, qui trahit ceux qui lâchent et qui sublime les danseuses véritables, celles à qui il suffit d’une fois pour s’approprier le mouvement.

Ces jours-là, la voix d’Efrat Gosh* résonne toujours à un moment ou un autre du cours de N. et je m’oublie complètement. A cet instant-là, je n’entends plus que la douceur de ses mots, ma respiration qui se calme, la douleur qui s’éteint. Je me suis dépassée. Je suis un peu plus forte.

*Lirot et ha or - Voir la lumière. Titre d’une chanson d’Efrat Gosh. La prof de danse la met seulement les jours de pluie. Du coup, j’y entends l’hiver et l’humidité.

samedi 7 août 2010

Dans la chaleur des nuits (de pleine lune)* : le mariage d’A.




Nous n’avions pas tellement envie de passer chercher M. D’abord, elle parle souvent sans s’arrêter et ensuite, elle habite dans un recoin de Jaffa où mon GPS ne sait pas m’emmener puisque la rue principale du quartier est barrée à cause de travaux. Mais enfin, A. se mariait, nous n’allions pas la laisser arriver en bus dans cette forêt au milieu de nulle part quand la température extérieure du mois de juillet ne vous permettait pas de faire plus de dix mètres sans être moite.

Nous voilà donc embarqués, G., M. et moi dans cette voiture que je conduis sans avoir de permis local alors qu’il y a des mois que je n’ai plus le droit de le faire. Je demande à G. de faire un effort pour parler hébreu puisque M. ne parle pas français. Mais je n’ai pas vraiment eu à insister, il ne lui aura fallu que cinq minutes pour se passionner pour le récit du service militaire de M., rare fille à être rappelée comme réserviste – encore des années après son la fin de son service.

M. nous raconte qu’elle était l’une de ces quelques filles qui étaient « les yeux » des soldats lorsqu’ils partaient sur le terrain. Et là, je suis ébahie. Elle qui est si étourdie dans son travail au quotidien, était littéralement chargée de la vie de soldats de dix-huit ans envoyés dans Hebron pour des missions nocturnes. Je la regarde. Elle a beaucoup maigri ces derniers mois. Je lui trouve quelque chose de charmant. Ce contraste certainement entre son côté tête en l’air du quotidien et sa vivacité certaine quand elle juge qu’il y a un intérêt à s’investir.

Il nous faut trois quarts d’heure pour arriver. Nous sommes parmi les premiers. La huppa est dressée. Je suis émue. Il fait chaud mais il y a un peu d’air, un don du ciel pendant l’été.

A. et sa fiancée ne sont pas très assorties a priori mais ils forment un très joli couple. Elle est grande, il est tout petit et d’ailleurs, sur leur faire-part, ils ont dessiné une grande mariée et un petit homme sur un tabouret près d’elle. Au bureau, tout le monde a beaucoup ri.

Les autres arrivent bientôt et la cérémonie religieuse démarre. Juste avant que les mariés n’entrent, M. me confie qu’elle compte demande sa petite-amie en mariage. Elle me dit qu’elle va acheter une bague vendredi matin. Je souris. Et puis, moi qui ne suis pas très tactile, je la serre dans mes bras.

Ensuite, on a dansé sur des musiques qui n’avaient aucune cohérence et on s’est jeté des bracelets fluorescents par-dessus la piste de danse. On était tout au milieu d’Israël, dans une forêt, un soir d’été. Il faisait bon vivre.
Sur le chemin du retour, les histoires de M. m’ont tenu en éveil. Comme cette soirée où une panne d’électricité a plongé la base militaire dans le noir, sans moyen de communication et sans caméra, où elle a tremblé de peur et où les soldats avaient des balles chargées dans leurs armes ce qui arrive extrêmement rarement.

M. est descendue de la voiture en me souhaitant une bonne fin de vacances. Quand je reviendrai au travail le dimanche suivant, elle serait fiancée. Dans un pays où le mariage entre personne de religions différentes n’est pas possible, j’ai soupiré devant le courage qu’il leur faudrait à ces deux-là pour se lancer.

Il était deux heures quand on est enfin arrivés à la maison mais G. s’est jeté sur le reste du gâteau au chocolat qui traînait encore dans la cuisine.

Fondant au chocolat
(à partir de la recette du livre Je veux du chocolat de Trish Deseine)

4 œufs
200 g de chocolat noir
200 g de beurre
200 g de sucre
1 cuillère rase de farine

Après avoir préchauffé le four à 180 °C, faire fondre le chocolat et le beurre. Laisser refroidir. Ensuite, ajouter le sucre puis les œufs, un à un, en remuant bien. Ajouter la cuillère de farine. Enfourner 22 minutes – à surveiller vers la fin, il ne faut pas rater le coche et le laisser cuire de trop.

* Titre d'une chanson de Pauline Croze

dimanche 1 août 2010

Surannée* : escapade estivale dans le nord




C’était mon cadeau d’anniversaire. Au départ, réminiscences de l’enfance, j’étais un peu déçue, je voulais un paquet emballé que je pourrais ouvrir en grattant le scotch avec mes ongles, et en déchirant le papier coloré un peu n’importe comment, pas une petite enveloppe imprimée du logo de la banque dans laquelle travaille G. avec une carte écrite à la va-vite « bon pour un séjour dans le nord ».
Mais, même si j’ai dû attendre un mois pour en profiter, c’était une merveilleuse idée.

Nous avons quitté Tel Aviv le matin, il faisait déjà très chaud. Sur le chemin, nous avons écouté la radio en rigolant des gens autour de nous, des filles un peu prétentieuses de mon cours de danse et de là où on serait un jour. Peut-être ici. Peut-être là-bas.


En arrivant à Tsfat, nous avons été saisis par le calme. Très très loin de tout. Très très loin de l’agitation. On serait bien, c’est sûr. Le petit hôtel est tenu par un couple de retraités français qui vivaient en Provence avant de quitter la France. Alors, on s’est sentis un peu comme lors de notre week-end près d’Avignon à la fin de l’été il y a deux ans. Les abeilles butinaient les arbres à fleurs roses. Je les fuyais comme lorsque j’étais une enfant et que j’avais failli en avaler une.

Nous avons nagé dans la piscine bleue. Le silence était intense. Nous étions quasiment seuls. Tout près de la sérénité, ces instants où on a l’impression d’être là un peu par miracle et que l’on s’y plaît.

J’ai repensé à notre premier séjour dans cet hôtel, un an plus tôt. On était un peu différents tous les deux. On habitait dans le même pays. On était plus jeunes en quelque sorte. Nous nous jouions des contraintes de la réalité.

Le soir, nous avons dîné au restaurant de l’hôtel, entourés de couples religieux et plus âgés. Certains ne se parlaient pas. D’autres riaient. J’ai terminé le dîner avec une tarte aux pommes maison délicieuse. Le goût de la régression sucrée pour clore une jolie journée.

L’atmosphère de la chambre avait quelque chose de suranné. Peut-être était-ce les rideaux blancs à fleurs rouges ou bien l’armoire en bois lourd. En tout cas, le générique de Gossip girl y sonnait faux. Alors on a ouvert les fenêtres. Des jeunes jouaient aux baskets dans la fraîcheur relative de la nuit. Comme ça. Au milieu de nulle part.

Le lendemain, le petit déjeuner très français m’a donné envie d’être à Paris. Le pain un peu chaud, le vrai beurre, le miel, le fromage de chèvre qui flirtaient avec Israël (pour ne pas dépayser la clientèle) salade de tomates-concombres joliment assaisonnée, cottage cheese, labane et nescafé avec un peu de lait. Au mur, une photo de la place des Abbesses sous la pluie. Paris, Paris dans un air d’été trop chaud pour y croire vraiment.


Les heures ont passé et nous ne voulions pas rentrer. Alors nous avons traîné et décidé de rester une nuit de plus. Mais l’hôtel était complet. Celui d’à côté aussi. Tous ceux de la région en fait. Nous avons réalisé que c’était la Saint-Valentin locale. Tous les amoureux du pays étaient dans le coin. On a fait demi-tour. On s’est acheté des bounty et des chewing-gums oranges dans une station essence. Et, pour calmer ma déception, G. a réservé une table au restaurant le plus original et le plus enthousiasmant de la ville – à notre goût**

Là-bas, il y avait des roses drôlement kitsch dans la vitrine, des couples un peu obligés de célébrer l’occasion par l’un ou l’autre, des serveurs pressés par une salle pleine à craquer. Et pour se faire excuser de l’attente, on nous a offert un délicieux cheesecake.

En voici ma version – elle ne ressemble pas à celle servie dans ce restaurant mais elle a enthousiasmé tous ceux qui l’ont goûtée…

Cheesecake
(A partir de différentes recettes et amélioré au fil des préparations)

La pâte

200 g de Speculoos ou de petits beurre
85 g de beurre

Le gâteau

750 g – mélange de mascarpone, fromage blanc et kiri (ou cream cheese si vous en avez à disposition)
150 g de sucre
Le zeste d’un demi citron
80 g de crème fraîche
2 œufs

Le coulis

200 g de fraises
quelques feuilles de mentheMenthe
deux cuillères à café de sucre
une cuillère à café de vinaigre balsamique



Préchauffer le four à 200C

Mettre les biscuits dans un sachet en plastique, le fermer et les écraser à l’aide de vos petites mains ou d’un rouleau si vous en avez un à disposition. Il faut que les miettes soient grossières, pas trop petites.
Faire fondre le beurre et le mélanger avec les bouts de biscuits.
Les disposer ensuite au fond du plat beurré et enfourner pour 10 minutes – en surveillant que ça ne brûle pas.
Ensuite, mélanger tous les fromages pour que le résultat soit homogène mais pas liquide – si vous utilisez un mixeur, faites le fonctionner avec modération.
Ajouter les œufs, la crème fraîche et le citron.
Verser le tout sur la pâte et enfournez. Au bout de 15 minutes, baisser la température du four à 100 C.

Laisser cuire une heure. Attendez une heure après la fin de la cuisson pour sortir le gâteau du four et le mettre au frigo.Laisser réfrigérer au moins six heures

Pour le coulis, laver vos fraises et réserver la moitié. Miixer l’autre moitié avec le sucre et la menthe et le vinaigre balsamique.

Couper le reste des fraises en petits morceaux et les mélanger avec le coulis.

A la dernière minute, verser le coulis sur le gâteau.

* Titre d’une chanson de Keren Ann
** Herbert Samuel